Avant de te parler plus de moi, il y a une chose que je dois te dire, pour que tu puisses me comprendre. Savais-tu que les vampires sont hypersensibles ? Une personne hypersensible a tous ses sens en alerte, qu’ils soient physiques ou émotionnels. Tout la touche donc beaucoup plus, positivement ou négativement. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle souffre énormément du rejet et du harcèlement.
L’hypersensibilité des vampires
Je sais bien comment tu vois les vampires. Physiquement, déjà, on ne rassure personne.
Je ne parle bien évidemment pas des vampires des films comme Twilight. Ces vampires-là n’existent pas et n’ont jamais existé.
Un vampire, ça se voit. Ça se repère. On ne peut pas rencontrer quelqu’un, se réveiller un matin et ô ! surprise, cette personne est un vampire ! Regardez-la se transformer en… chauve-souris ? Non. Un vampire, ce n’est pas ça. Un vampire ce n’est pas une chauve-souris. Un vampire, c’est un vampire. C’est un être humain comme les autres, seulement avec quelques spécificités qui le distinguent un peu de la masse.
Résultat ? On le regarde de travers. Et c’est le genre de choses qui a ses conséquences.
Commençons par les caractéristiques physiques des vampires et leurs aptitudes.
Je te vois d’ici me dire : « Si un vampire c’est ça, et que ça a des yeux rouges, comment se fait-il qu’on n’en voie pas dans la rue ? »
20% de vampires
Alors déjà, sache qu’à nous tous, on doit représenter plus ou moins 20% de la population en comptant les différentes espèces.
Là, tu te dis : « Hein ?! 20% ? Mais c’est énorme ! »
Effectivement, nous sommes beaucoup plus nombreux que ce que les gens pensent.
Mais la raison pour laquelle tu ne vois pas 20% de vampires dans la rue, c’est que nous sommes extrêmement doués pour nous fondre dans la masse. Nous ne montrons notre vrai visage qu’à très peu de gens. Généralement à nos semblables, puis aux rares qui tentent de nous comprendre, plutôt que de nous juger ou de nous craindre.
À une époque reculée, nous avions plus de mal à passer inaperçus, alors nous ne sortions que la nuit. Mais maintenant, avec le progrès, nous ne sommes plus obligés de vivre reclus. Une perruque, des lentilles de couleur, une bonne crème solaire écran total, se retenir de sourire au maximum pour cacher les crocs, et c’est bon, on fait partie de la bande.
N’empêche, ça demande beaucoup d’efforts.
- Origines de l’hypersensibilité
- Être hypersensible, ça change quoi ?
- Tu es le parent d’un petit vampire ?
Origines de l’hypersensibilité
D’où ça vient ? Est-ce qu’on naît avec ? Ou le devient-on en fonction de l’enfance qu’on a ?
Jusqu’à récemment, deux théories s’opposaient à ce sujet, mais depuis juin 2020, une étude tend à réconcilier les choses.
La théorie de Saverio Tomasella
Selon le psychanalyste français, l’hypersensibilité serait essentiellement acquise, et ce, depuis la phase intra-utérine. Autrement dit, on percevrait certaines des choses qui se passent en dehors du ventre de notre mère, et c’est cette perception de notre environnement qui modifierait notre sensibilité.
Selon Saverio, pendant que ta mère était enceinte de toi, si elle vivait des tensions, le fait que tu les ressentes aurait pu accroître ta sensibilité. Ensuite, une fois né, si les tensions ont continué, si tu as subi un manque d’attention, d’amour, des agressions, ou si tu as eu l’impression de ne pas être en sécurité, ta sensibilité pourrait s’être développée au point de devenir… oui, tu l’as compris, un hypersensible.
Pour survivre à ton environnement hostile, tous tes sens se seraient mis en alerte.
La théorie de Elaine N. Aron
Selon la psychologue américaine, l’hypersensibilité serait essentiellement innée, ce qui veut dire qu’on naîtrait avec. On en aurait hérité de nos ancêtres, qui eux-mêmes en auraient hérité des premiers hommes. Ce seraient des restes de l’époque où les êtres humains, pour survivre à un milieu hostile, devaient avoir tous leurs sens, physiques et émotionnels, hyper affûtés.
Cette théorie me plaît, car selon d’autres études, il n’y a pas que chez les êtres humains qu’il y a 20 % d’hypersensibles, mais chez les animaux aussi. Et comme j’aime croire que la nature est bien faite…
On peut imaginer l’utilité, dans le règne animal, de 20 % d’animaux qui entendent, sentent, voient et ressentent mieux les choses que les autres. Ils seraient les protecteurs du groupe. Les éclaireurs de la meute. Ceux sur qui les autres se reposent pour capter les dangers, les opportunités, les intentions d’autres animaux, l’odeur d’une proie dans le vent, le son de l’eau qui coule à des kilomètres… et que sais-je encore.
Entre ça et le fait de se dire que les 20% d’êtres humains hypersensibles ont peut-être, eux aussi, un rôle bien défini et utile parmi les leurs, il n’y a qu’un pas.
L’étude qui réconcilie Elaine et Saverio
En juin 2020, une étude conduite par l’Université Queen Mary de Londres sur 2800 jumeaux a conclu qu’environ 47 % de l’hypersensibilité serait innée, tandis que 53 % seraient dus à des facteurs environnementaux, donc acquis. Du coup, tout le monde est content.
Ce qui est une certitude, c’est que l’hypersensibilité peut être prouvée scientifiquement.
Dans les fluides corporels d’un enfant hypersensible (sang, salive, urine), il y a plus de noradrénaline (adrénaline du cerveau libérée à l’activation du système nerveux) et plus de cortisol (hormone produite en cas d’excitation ou de stress) que chez les autres. Leur rythme cardiaque est généralement plus élevé, et on peut observer dès la naissance des réactions violentes à certains stimuli.
Mais maintenant qu’on sait tout ça, ça ne nous dit pas ce que ça change dans une vie, d’être différent à ce niveau-là.
Être hypersensible, ça change quoi ?
Eh bien c’est simple. Pour la personne hypersensible, en un mot : tout.
Dans les faits, on réagit plus fortement aux émotions et aux ressentis, mais aussi à tout ce qui se rapporte à nos sens (l’ouïe, la vue, le toucher, l’odorat…). C’est ce qu’on appelle l’hyperesthésie.
Alors du coup, c’est positif ou c’est négatif ? Eh bien comme pour tout, il y a un peu des deux.
J’ai pour habitude de commencer par le positif, mais là, je vais commencer par le négatif uniquement parce que je tiens à te laisser avec les nombreux avantages que ça a.
Les aspects négatifs
Quand nos sens sont exacerbés, ça peut parfois être pénible.
Nous sommes plus sensibles que les autres à la lumière, aux sons, au toucher, aux odeurs… Un son qui va juste déranger quelqu’un va nous sembler complètement insupportable.
Mais cette partie-là, c’est celle qui, selon moi, est la plus facile à gérer. L’aspect moins simple à gérer, c’est au niveau des émotions.
Émotions et sensibilité exacerbées
Nous ressentons tout beaucoup plus fort. Nous nous sentons donc vite dépassés par nos propres émotions, qu’elles soient positives ou négatives, et le fait d’avoir du mal à les canaliser peut créer des incompréhensions et des tensions avec l’entourage.
Les autres peuvent penser, par exemple, qu’on surréagit, qu’on exagère, qu’on est « trop ceci » ou « trop cela », dans les extrêmes.
Quand nous nous enthousiasmons pour quelque chose, c’est d’une façon qui peut sembler complètement démesurée. Quand nous avons peur, nous avons plus peur que les autres. Quand nous sommes en colère, nous pouvons être vraiment très très en colère. Quand nous sommes tristes, c’est l’apocalypse… À vivre, ce n’est pas toujours évident, ni pour nous ni pour nos proches qui ne comprennent pas toujours ce qui se passe.
Toujours en alerte
Il suffit parfois de percevoir un changement de ton dans la voix de quelqu’un, un regard qui nous interpelle, un manque de ponctuation dans un texto ou un point mal placé, et notre alarme s’emballe : pourquoi il me parle comme ça ? Il m’en veut ? Il ne m’aime pas ? Qu’est-ce que j’ai fait ? Suis-je en danger ? Au secours !
C’est à cause de ce genre d’escalade émotionnelle que beaucoup d’entre nous sont sujets à l’anxiété, à l’angoisse, voire aux crises de panique.
Nous pouvons aussi très mal prendre une simple remarque, parce qu’elle nous touche en plein cœur. Certaines des remarques faites par notre famille ou nos amis, souvent sans aucune volonté de nous blesser, peuvent devenir des phrases qui vont nous hanter toute notre vie. Et comme les autres ne nous comprennent pas toujours, les remarques ont tendance à fuser, ce qui peut gravement nuire à notre confiance en nous et à notre développement.
La solitude
Une autre chose que les autres ne comprennent pas toujours, c’est notre besoin de nous isoler et de rester en retrait, le temps de traiter toutes les informations, énergies et émotions que nous captons.
Imagine que tu entres dans une pièce où il y a trente personnes, et qu’à peine le pas de la porte franchie, ces trente personnes se précipitent vers toi et se mettent toutes à te hurler dans les oreilles ce qu’elles pensent, ressentent et font. Non seulement tu ne vas rien comprendre, mais tu vas surtout te sentir agressé.
C’est un peu ce que nous ressentons, et nous sentant vite épuisés par le flot d’informations, de ressentis et d’énergies, nous avons besoin de nous isoler pour laisser le tsunami redescendre et recharger un peu nos batteries.
Je ne peux pas te dire combien de fois, à une réunion de famille, à un anniversaire ou à un mariage, j’ai eu besoin d’aller m’enfermer dans les toilettes juste pour cinq minutes, le temps de faire une pause.
Bien que la plupart d’entre nous ait souvent besoin de solitude, c’est parfois interprété à tort comme de la timidité ou de l’introversion. En réalité, 30% des hypersensibles sont extravertis ! Eh oui.
Quand on ne correspond pas à ce que les autres attendent de nous
Elaine N. Aron relate une étude qui avait été menée auprès d’enfants d’écoles primaires au Canada et en Chine.
En mandarin, les mots « timide » et « réservé » n’existent pas. On les traduit par « bon » ou « bien élevé », ce qui donne tout de suite une dimension beaucoup plus positive à ces particularités.
Cette étude avait démontré qu’en Chine, les enfants timides et sensibles étaient ceux que leurs camarades respectaient le plus, alors qu’au Canada, c’étaient ceux qui étaient le moins respectés par leurs pairs, au profit des plus extravertis et bruyants.
Dans les pays occidentaux, même les psychologues considèrent généralement ces traits comme des « défauts » ou des « problèmes ». On peut donc facilement comprendre qu’un enfant qui grandit dans un environnement qui ne le respecte pas et où il sent constamment qu’il ne correspond en rien à « l’enfant idéal », ne puisse pas s’épanouir correctement. Et c’est bien dommage, parce que…
Être hypersensible, c’est fantastique
Il y a tant d’avantages à l’hypersensibilité — quand on nous permet de grandir en comprenant et en acceptant ce que nous sommes — que l’univers tout entier gagnerait à voir plus d’hypersensibles qui s’assument et qui sont bien dans leurs pompes.
On a souvent réduit l’hypersensibilité à un trait de caractère féminin péjoratif : hystérie, vulnérabilité et fragilité. Mais alors qu’on peut tous être concerné, hommes comme femmes, il n’y a surtout aucune raison de considérer ce tempérament comme un problème. Pourquoi ? Parce qu’en réalité, les hypersensibles ont toujours contribué à rendre le monde plus agréable, si ce n’est meilleur. Chez les artistes, chez les philosophes, chez les enseignants, chez les bénévoles, chez les empathes… ils sont légion. Derrière notre apparente fragilité, nous possédons cette force née d’une volonté de faire mieux, de voir mieux, d’aimer mieux, d’aider mieux, de grandir mieux.
Empathes et fiers de l’être
L’empathie envers l’autre, qu’il soit pareil ou différent, connu ou inconnu, humain, animal ou végétal, c’est l’intelligence du cœur dans son expression la plus pure.
Les espèces d’animaux considérées comme les plus avancées, les plus intelligentes, sont les espèces les plus empathiques avec leurs semblables, mais aussi avec d’autres espèces.
Tu imagines une planète gouvernée ainsi ? Par une façon d’appréhender la vie comme un empathe, c’est à dire avec attention, délicatesse et compassion ? Un tel monde ne serait-il pas plus fort, plus aimant, plus tolérant, plus égalitaire, plus beau, plus… poétique ? Je crois que si.
Un superpouvoir
Je crois que si on apprenait à respecter les caractéristiques uniques des hypersensibles dès leur plus jeune âge, qu’on les laissait grandir et s’épanouir sans leur apprendre à se considérer comme anormaux, bizarres ou excessifs, mais juste comme positivement différents, si les aidait à comprendre et à accepter leur propre façon de fonctionner, on créerait une armée d’êtres humains au service du beau et du bon.
Des humains aux sens et aux cœurs affutés comme des lames de sabres japonais, en pleine possession de leurs moyens, et qui arriveraient avec des solutions et des inspirations plein les bras. Des solutions et inspirations toutes nées de l’observation, de la compassion, de l’empathie et du rêve d’une vie plus jolie, plus gentille… meilleure, quoi.
Tu es le parent d’un petit vampire ?
Voici des signes que ton enfant est peut-être un hypersensible : il réagit mal au changement, il dort mal, il a des réactions qui te semblent démesurées (crises de larmes, joie ou excitation intense…), il est particulièrement sensible au bruit, à la lumière, aux odeurs, il n’aime pas porter des vêtements en certaines matières, il n’aime pas avoir les mains sales, il est curieux, observateur, il aime être seul, il est créatif, perfectionniste, intuitif, à l’écoute, il a peut-être aussi des problèmes à l’école (de notes et/ou de harcèlement scolaire)…
Si tu le reconnais dans certains points de cette description, rends-lui et rends-nous tous service… commence à lire sur le sujet tout de suite 😉 Tu peux aussi faire les tests d’Elaine N. Aron. Le test pour adultes et celui pour enfants. (en anglais)
L’hypersensibilité est souvent héréditaire. Si tu es parent d’un petit vampire, il n’est pas impossible que tu sois un vampire, toi aussi, sans le savoir. 🙂
Sources
- Aron, E. N. (2019). Aimer quand on est hypersensible (S. Tomasella présente) (French Edition) (1re éd.). Éditions Leduc.
- Aron, E. N. (2019). Hypersensibles mieux se comprendre : Mieux se comprendre pour mieux s’accepter (Bien-être – Psy) (French Edition). Marabout.
- Aron, E. N. (2013). Ces gens qui ont peur d’avoir peur (French Edition). DE L HOMME.
- Tomasella, S. (2016). Hypersensibles (Psychologie et Développement personnel) (French Edition). LGF.
- Daele, V. I. D. (2019). Un coeur gros comme une maison (Parentalités) (French Edition). DE BOECK SUP.
- Assary, E., Zavos, H. M. S., Krapohl, E., Keers, R., & Pluess, M. (2020, 3 juin). Genetic architecture of Environmental Sensitivity reflects multiple heritable components: a twin study with adolescents. Molecular Psychiatry. https://www.nature.com/articles/s41380-020-0783-8