Tu sais ce qui est pénible, quand on est un vampire ? L’ail, les crucifix et l’eau bénite. Le premier pue, le deuxième fait mal et la troisième brûle.
C’est facile de faire du mal à un vampire
À l’école, je me faisais asperger d’eau bénite toutes les deux minutes. J’étais obligée de m’enduire de Biafine tout le temps. Et ça, c’est quand je ne me retrouvais pas avec des gousses d’ail écrasées sur ma chaise ou dans mon casier.
Inutile de frapper un vampire en plein cœur avec un clou en argent comme dans les films, pour le tuer. Il suffit de lui mettre la honte avec des petites choses comme ça toute la journée.
Je me souviens d’un vampire qui se faisait frapper par les autres enfants à l’école.
Il y avait cette bande de gamins qui l’attendaient presque tous les jours à la fin des cours pour lui donner des coups de crucifix et lui mettre des gousses d’ail dans la bouche.
Quand il rentrait chez lui, il avait des bleus et des égratignures partout et il sentait l’ail à plein nez. C’était pas cool, mais au moins grâce à ça ses parents ont tout su et ont fini par le changer d’école.
Moi, on ne me donnait pas de coups de crucifix et on ne me faisait pas manger d’ail, alors quand je rentrais à la maison, mes parents ne savaient pas que j’avais passé une sale journée. L’eau bénite, ça ne tache pas…
Tous les coups ne laissent pas de traces
La plupart des gens pensent que ça se voie toujours, quand on se fait maltraiter par les autres. Ou qu’il faut avoir quelque chose de spécial. Être plus gros que les autres, avoir les yeux rouges comme moi, ou avoir un handicap… Mais, parfois, on n’a rien de spécial et on se fait harceler quand même. Et le pire, c’est que très souvent, ça ne se voit pas.
Il n’y a pas que les coups de crucifix, les gousses d’ail, les coups de pied ou les rackets.
Parfois, tout se passe dans la tête et dans le cœur.
Les autres nous parlent d’une façon, nous insultent, ou nous mettent de côté… Ça peut durer un mois, ça peut durer des années… Ça fait très mal. Tellement que parfois, on aimerait juste disparaître.
À force, on finit par se faire tellement petit, qu’on finit par disparaître réellement et que plus personne ne nous remarque vraiment.
Parfois, même nos parents ne remarquent rien. Ils pensent que tout va bien. Mais en réalité, à l’intérieur, on est chiffonné comme une boule de papier, notre cœur est en lambeaux, et on se sent seul sur Terre.
C’est en général à partir de ce moment-là que les vampires apprennent à se déguiser. Beaucoup se déguiseront toute leur vie. C’est ce que j’ai fait.
Porter un masque toute sa vie
Je ne sortais jamais sans ma perruque courte, je portais des couleurs vives et je souriais tout le temps, même si je n’en avais pas envie.
Je pensais qu’on finirait par m’aimer.
Mais on ne m’aimait pas pour autant. J’avais toujours mes deux yeux rouges, comme pour rappeler tous les jours à tout le monde que je n’étais pas comme eux.
J’ai continué longtemps, à essayer d’avoir l’air « normale« , à espérer qu’un jour on finirait par m’accepter.
Quand on me lançait de l’eau bénite, je faisais comme si je n’avais rien senti. Quand on m’insultait, je faisais comme si je n’avais rien entendu. Je marchais toujours bien droite, le regard bien haut. Mais parfois, j’allais aux toilettes me cacher pour pleurer…
Ce que je n’avais pas encore compris, c’est que pour que les autres m’aiment telle que j’étais, il allait falloir que je commence par m’aimer moi-même.