Comme tu le sais, j’ai les yeux rouges. Mes yeux sont très sensibles. Je suis souvent éblouie par la lumière trop forte. C’est un inconvénient.
Mais dans le noir, mes yeux me permettent de voir parfaitement. Je vois aussi de très loin, et il m’arrive même de pouvoir voir ce que personne d’autre ne voit.
Les yeux de vampires sont sensibles à ce point là.
Mes oreilles sont très sensibles aussi. J’ai du mal avec le bruit, et les discussions à dix mille me fatiguent beaucoup. C’est un inconvénient.
Mais mes oreilles me permettent d’entendre, dans le brouhaha, la plus petite des voix. Celle que personne d’autre n’entend. Et elles me permettent même parfois d’entendre ce que cette voix ne dit pas.
Les oreilles de vampires sont sensibles à ce point là.
Apprendre à voir plus loin que le bout de son nez
La plupart des gens cachent des choses aux autres, et c’est normal.
Quand tu es triste, tu n’as pas forcément envie que tout le monde le sache… mais il suffira à un vampire de te regarder à peine une seconde pour savoir que tu n’es pas bien. Parce que les vampires voient ce que les autres cachent, et entendent ce qu’ils n’osent pas dire.
Les vampires sont sensibles à ce point là.
Je trouve donc ça assez bizarre, qu’au lieu de voir le bon côté des choses, les gens s’arrêtent au fait que j’ai des yeux rouges et de grandes oreilles, puis s’en servent pour se moquer de moi ou avoir peur de moi.
La triste vérité, c’est que la plupart des gens agissent comme ça.
L’habit ne fait pas le moine
La plupart des gens te regardent sans te voir réellement, et te jugent très rapidement.
La plupart des gens t’écoutent sans vraiment t’entendre, et te jugent très rapidement.
Ces gens-là seraient capables de te dire qu’un livre est nul rien qu’en regardant sa couverture.
Et ils se font leur idée sur toi, et sur la plupart des choses, juste comme ça.
Ce qui est idiot, c’est qu’il y a toujours du bon et du mauvais dans tout. Pourquoi tant de gens s’arrêtent-ils au mauvais, alors ?
Peut-être que ça demande trop d’efforts à certains, de réfléchir un peu… De creuser un peu… De prendre le temps…
Peut-être que, comme on dit souvent, la différence fait peur.
Mais il y a une autre vérité derrière tout ça. Et j’aimerais beaucoup que tu t’en souviennes toujours.
Pour que ce soit bien clair dans ta tête, je vais te l’expliquer avec des fleurs…
Une histoire de pissenlits
Imagine un grand parterre de pissenlits.
Tous les pissenlits sont jaunes, ronds, et font à peu près la même taille. Ils sont contents. Ils profitent du soleil. Des gens les prennent en photo, et il y a même des enfants qui les cueillent pour en faire des bouquets pour les offrir à leur maman.
J’aime bien les pissenlits. C’est beau, le jaune.
Maintenant, imaginons une graine de coquelicot qui se soit perdue là.
Peut-être que c’est un oiseau qui l’avait dans le bec et qui l’a laissée tomber. Peut-être que c’est le vent qui l’y a emportée… Peu importe. Maintenant, il y a cette petite graine qui s’est plantée en plein milieu du décor, et qui va pousser.
Résultat, quelque temps plus tard, dans cette immense étendue jaune, il y a… une fleur complètement différente…
En plein milieu du jaune, on voit maintenant dépasser une fleur rouge écarlate, avec des pétales immenses et légers. Une fleur qui se balance, fragile, mais libre et heureuse dans le vent, et qui, elle aussi, profite des rayons du soleil.
Si les fleurs agissaient comme les êtres humains, voici ce qui se serait passé :
Les pissenlits, voyant cette fleur qui ne leur ressemble pas du tout pousser au milieu d’eux, auraient eu très peur.
Que remarques-tu en premier, dans cette image ?
As-tu remarqué le 1654946e pissenlit jaune, à droite, là-bas au fond ? Ou bien est-ce que ton œil s’est tout de suite dirigé vers le coquelicot ?
Certains des pissenlits – pas tous, uniquement ceux qui travaillent vraiment très dur pour se faire remarquer et qui n’ont en réalité aucune confiance en eux – se seraient dit : « Ah, mais non, il n’en est pas question ! Les enfants ne vont plus voir que lui maintenant ! Ils vont le trouver plus intéressant ! Vous imaginez si en plus il fait des graines ? On va se retrouver avec d’autres coquelicots rouges et plus personne ne fera plus jamais attention à nous et à notre joli jaune ! Nous qui faisons tant d’efforts pour plaire ! »
Alors, ces pissenlits se seraient organisés pour empêcher le coquelicot de pousser.
Ils auraient recouvert la petite pousse de leurs courts petits pétales pour empêcher le soleil de l’atteindre, et l’auraient gardée là, dans l’ombre, petite, chétive, misérable et seule, le plus longtemps possible.
Heureusement, les fleurs ne sont pas aussi bêtes. C’est pour ça qu’on trouve de magnifiques champs de fleurs, toutes différentes les unes des autres, partout dans le monde.
Faire de l’ombre pour briller soi-même plus fort
Beaucoup de gens feront tout pour éteindre ta lumière, histoire qu’on voie mieux la leur.
Ils ne comprennent pas que la lumière ça s’ajoute, ça ne se soustrait pas. De la lumière plus de la lumière, ça fait juste plus de lumière. Si tout le monde avait une chance de briller, il y aurait tout simplement plus de lumière, partout. Comme nous serions bien éclairés !
Voici la vérité dont je veux que tu te souviennes : être différent, être un vampire, être un coquelicot dans un champ de pissenlits… tout ça, c’est pareil.
Les gens qui travaillent si dur pour se faire remarquer, pour plaire à un maximum de gens, pour être populaires, ne peuvent pas accepter que quelqu’un débarque et se fasse remarquer juste comme ça, uniquement parce qu’il est différent. En plus, il pourrait finir par plaire aux autres, lui aussi, si on lui permettait d’éclore et de s’épanouir tel qu’il est.
C’est pourquoi certaines personnes feront toujours tout pour te faire de l’ombre. Pour te faire sentir mal au point que tu n’oseras plus pousser, grandir et t’étirer aussi haut que tu le pourrais
C’est donc à toi de ne pas te laisser faire, et de continuer à pousser sans avoir peur, fier d’être différent, jusqu’à te balancer, libre dans le vent, et profiter, toi aussi, des rayons du soleil.